La Loi et nous
La loi serve maintes fonctions et correspond au désir de l’être
humain de mettre l’ordre dans le chaos, afin de permettre une
vie civilisée en stabilité et prédictibilité.
Pourtant, la loi est faite pour l’homme, et pas l’homme
pour la loi. Il est utile de comprendre la loi comme guide ou moyen
et pas comme commandement ou comme expression du pouvoir. Toutes
les civilisations du monde ont eu à faire avec la question
de la légitimité de la loi, sa fonction pour la société.
Il s’agit donc de la nécessité universelle de
différencier entre la forme et la substance. La forme est
la loi, la substance est la justice.
Nous voyons déjà cette différence chez Sophocle
dans son drame « Antigone » (441 av. J.-C), la femme
qui enterre son frère Polynice en dépit de l’interdiction
du roi Créon et qui, de ce fait, est punie. Nous connaissons
aussi la parole de Socrate devenue en latin dura lex sed lex , la
loi est dure, mais c’est la loi, donc expression d’impuissance
ou de résignation face à l’autorité, par
contraste avec les mots de Cicéron summum jus, summa injuria
, le sommet du droit peut être le sommet de l’injustice.
D’où l’impérieuse nécessité de
faire prévaloir le sens des proportions pour éviter
qu’au lieu d’y remédier, la loi ne cause de l’injustice.
Ce qui nous amène finalement à l’observation
de Juvénal dans ses Satires : quis custodiet ipsos custodes
? Qui contrôle les contrôleurs ? Ce qui veut dire, qui
va contrôler les spécialistes de la loi, les politiciens,
les parlementaires?
Or c’est précisément à nous qu’il
appartient de veiller à ce que la loi serve l’homme
et la justice et non le pouvoir et les privilèges. La loi
doit être justifiée, son but connu, et lorsqu’elle
débouche sur l’injustice, nous devons la modifier. Positivisme,
légalisme et conformisme sont donc à rejeter. Nous
avons encore tous à l’esprit des lois qui sont ou étaient
manifestement injustes – les lois du GULAG, du totalitarisme,
de l’apartheid, de la ségrégation raciale, de
la détention arbitraire. Hélas, cette corruption de
la loi et de la pratique du pouvoir n’appartient pas au passé lointain… Elle
persiste aujourd’hui encore dans des lois et des traités
injustes de plusieurs pays, ainsi que dans la pensée politiquement
correcte, qui nous intimide et nous amène à l’autocensure.
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